— Si je l'ai vu ? Si je l'ai vu ?! Mais, ma chère, qui ne l'aurait pas vu ? Un piano à queue Baldwin, d'où croyez-vous que cela vient ? Du ciel, pardi ! C'est la période de l'année où les pianos sauvages rentrent chez eux, après avoir migré vers le bas de la gamme ! Ne vous apprend-on donc rien, à l'école ?
Je fronçai les sourcils. J’étais ouverte d’esprit mais pas stupide. J’aimais vérifier mes données en les retrouvant à plusieurs endroits différents dans des circonstances différentes et des témoins différents.
— Laissez-moi vous faire un peu d'histoire. Tout commence en l'an 990. Dorémik Fasollasisson était un chef viking redouté dans le monde entier pour ses ogres de barbarie et ses armes à cordes. Dans le monde entier SAUF au château de Sa Très Grande Sainteté Lord Chaton XXIV, Duc de Félixia, un terrible sorcier aux sortilèges... terribles. Je sens que vous ne me croyez pas, mais ce que je dis est 100% véritable, puisque j'étais là. Lord Chaton était, comme son nom ne l'indique pas forcément, un petit chaton mignon et grognon qui terrorisait les contrées avoisinantes. Dorémik, le courageux, s'est opposé à lui et l'a repoussé jusqu'à son château de chaton où la dernière bataille a eu lieu. Ne parvenant pas à prendre la place forte de force, Dorémik fit construire des catapultes, mais les soldats de Lord Chaton s'attendaient à une telle stratégie. Alors Dorémik fit charger les catapultes avec des clavecins. Cela désempara les soldats de Lord Chaton. Ce dernier leur lança un horrible sort qui fit en sorte que les clavecins soient condamnés à voler dans le ciel jusqu'à la fin de l'éternité. Comme c'était plutôt long, ils ont développé une conscience propre.
Lord Chaton ? Jamais entendu parler.
Je ferais des recherches plus tard.
Après tout, j’étais sur un autre monde et qui sait quelles étranges créatures pouvaient le parcourir.
Il ne valait mieux pas juger les dires de cet homme avant d’avoir vérifié quoi que ce soit.
— Si vous désirez que je vous en raconte plus, venez me voir ce soir comme vous l'avez promis. Là, vous saurez tout sur les pianos des cieux, les cosplayeurs assassins, les avalanches de pastèques et les cartes de crédit chasseuses de têtes.
Je souris. J'avais l'impression qu'il cherchait à prendre congé. Il était peut être pressé de partir mais n’osait rien dire, par politesse. Enfin, je devais ranger mon sac de courses chez moi. Il fallait donc que je parte aussi.
- Ca m’a l’air très intéressant ! Je ne manquerais pas de venir !
Je m’éloignai de quelques pas.
- Mais pour le moment je dois rentrer. A ce soir !
Tout en le saluant, je pris le chemin de mon appartement. J’avais hâte d’être au soir !