Première représentation [PV Le Magicien]

Je n’avais encore jamais été au théâtre de ma vie. Je n’avais aucune idée de la réputation de celui où je me rendais, s’il était chic ou plus modeste, mais l’homme qui m’avait offert un billet cet après-midi n’avait fait aucun commentaire sur la tenue à avoir. J’avais tout de même décidé de porter quelque chose d’un peu mieux que d’habitude avec une robe bleue à fines bretelles, une tunique noire à manches courtes et fermée par quelques boutons par-dessus et enfin un corset rayé bleu et noir serrait le tout à la taille. Ne portant jamais de talons, j’avais opté pour des bottines à lacets noires et une paire de collants opaques, rayés de la même manière que mon corset.

Je n’étais pas très douée pour choisir mes vêtements, mais j’étais plutôt fière du résultat. J’ajoutai mon éternelle ceinture à sacoches, où était accroché Marcus, le crâne, et un blouson en cuir pour compléter tout ça.

Pour mes cheveux, je les avais lâchés, laissant leur longueur anarchique les piqueter jusqu’aux hanches du bleu qui ornait les pointes de chaque mèches. Quelques dizaines de barrettes et trois plumes venaient s’y ajouter, mais ça restait quelque chose de très sobre à mon goût.

Joyeuse, je me perdis un peu en m’y rendant, demandai mon chemin quatre fois, dont deux qui se soldèrent par un regard haineux ou écœuré sans que je comprenne trop pourquoi. Enfin, le plus important était que j’avais trouvé le théâtre.

C’était un vieux bâtiment délabré possédant le charme qu’on les maisons hantées. Je me demandais s’il y avait des fantômes, ça serait vraiment intéressant de discuter avec !
Attendant quelques minutes, je me rendis bien vite compte qu’il n’y avait personne pour venir voir le spectacle. A moins qu’ils ne se trouvent tous déjà dedans.

Hésitante, je toquai.

Et si je les dérangeais en pleine représentation ?

Je toquai de nouveau, de manière un peu moins assurée. Attendis encore un peu en regardant à droite et à gauche dans l’espoir de croiser quelqu’un qui venait aussi au théâtre.

Finalement je poussai timidement la porte pour l’ouvrir et y glissai la tête pour voir à l’intérieur.

C’était vide ! Entièrement vide !

Je n’étais pas venue au bon moment !

Mais l’homme a dit qu’on pouvait venir à toute heure. Il savait que je devais passer !

J’entrai d’un pas peu assuré en lançant d’une toute petite voix :

- Il y a quelqu’un ?

La représentation de ce soir promet d'être exceptionnelle. Tout le monde se prépare à monter sur scène, les musiciens prennent place dans la fosse, les techniciens s'activent dans les coulisses.

Devant la scène, le bâton dans la main, tout en gesticulant, je les invective et les encourage à accélérer la cadence.

— Allez, plus vite, les enfants ! Le spectacle va bientôt commencer ! Je ne veux pas laisser mes spectateurs sur leur faim et les faire patienter avec une musique d’ascenseur !

Soudain, j’entends frapper à la porte. Pardon ? Qui frappe à la porte d’un théâtre ? Puis j’entends “Il y a quelqu’un ?”

Je regarde ma montre que je n’ai pas, et me rends compte qu’il est déjà l’heure de la représentation ! Eh bien, c’était inattendu. À croire que l’heure sur l’horloge tourne quand je ne la regarde pas.

Parce que je m’entraîne à le faire avancer, parfois. Tiens, l’autre jour, ça m’a pris un bon quart d’heure pour faire avancer la grande aiguille jusque sur le 3. Merci Raymond pour le jeu de mot ! Bon eh bien… Je rajuste le chapeau sur ma tête, je remets mon manteau correctement, et en piste !

Telle l’ombre que je suis, je me déplace à la façon d’une brume noir jusque dans le hall de mon théâtre, et aperçois ma douce amie qu’est je-ne-lui-ai-pas-demandé-son-nom.

Je surgis de la pénombre derrière elle et lui pose les mains sur les épaules.

— Vous avez failli me surprendre, mon amie ! Je ne vous attendais pas si tôt ! Le spectacle ne commence que dans quinze minutes !

Je soupire et la prends par la main jusqu’au vestiaire qui se trouve à notre gauche. Je me glisse derrière le comptoir, et remplace mon chapeau par une casquette de préposé au vestiaire.

— Vous désirez peut-être déposer votre veste ?

Un autre moi apparaît au comptoir sur la droite, habillé très justement comme un barman, et interpelle ma jeune nouvelle amie.

— Ou vous désirez peut-être boire quelque chose ? Profitez, c’est gratuit !

— Vous avez failli me surprendre, mon amie ! Je ne vous attendais pas si tôt ! Le spectacle ne commence que dans quinze minutes !

Je poussai un petit cri et sursautai en me retournant, découvrant l’homme au chapeau qui m’avait invitée.

J’étais donc en avance ! Mais ce n’était pas à toute heure ? Enfin, ça expliquait pourquoi il n’y avait personne encore ! C’était rassurant !

L’homme me pris par la main et m’entraina vers un comptoir où il remplaça son chapeau par une casquette.

— Vous désirez peut-être déposer votre veste ?

Je ne pus m’empêcher de trouver ça drôle. Après tout, nous étions dans un théâtre ! Je n’y étais jamais allée mais je connaissais le principe. C’était vraiment sympathique que cet homme, qui devait être le directeur ou quelque chose comme ça, joue aussi le jeu, comme un acteur.

Je retirai ma veste et lui tendis poliment.

- Oui, merci.

L’ambiance était directement posée, et j’avais l’impression d’être une actrice en lui répondant alors qu’il jouait son rôle.

— Ou vous désirez peut-être boire quelque chose ? Profitez, c’est gratuit !

J’écarquillai les yeux en voyant un double de l’homme apparaitre plus loin, habillé en barman.

Il n’y avait qu’une race pour faire des tours de passe-passe comme cela. Un sorcier !

J’avais rencontré très peu de sorciers depuis le suicide de tout mon village ! C’était vraiment génial !

Et puis il ne prononçait aucune formule, rien du tout ! Il devait être vraiment très doué !

Je sautillai jusqu’au second comptoir, ravie de ce début de soirée.

- C’est gentil, mais je n’ai pas très soif pour le moment. Merci.

J’avais l’impression de jouer à la dinette. C’était drôle.

Je jetai un regard alentours et demandai :

- C’est très sympathique cet endroit. Est-ce que vous avez des fantômes ? J’ai vaguement lu que les fantômes étaient très courants dans le théâtre Shakespearien.

Levant la tête pour admirer le plafond, je continuai:

- Vous faites du théâtre depuis longtemps ?

Elle sautilla jusqu'au comptoir où je me trouvais également. Aussi vite, je me réunifiais en un seul moi, car deux mois, ça fait 61 jours, et c’est trop.

— C’est gentil, mais ne j’ai pas très soif pour le moment. Merci.
— Mais je ne fais que mon métier, ma chère.
— C’est très sympathique cet endroit.
— Construit de mes propres mains.

Je replace mon chapeau sur la tête.

— Est-ce que vous avez des fantômes ? J’ai vaguement lu que les fantômes étaient très courants dans le théâtre Shakespearien.

Si j’ai des fantômes ? Euh… Je pense, oui. Y a bien le vieux Jack, qui passe de temps en temps en gémissant. Mais c’est un clodo.

Mais les clodos sont des fantômes aux yeux de tous, ils sont là sans être là, donc, ça passe, non ?

— Bien sûr que j’en ai !

Pourquoi je luis dis ça ? -_- voilà que reparle en smiley, maintenant. Je croyais en être guéri, de ça !

— Ils jouent même dans ma pièce.

Elle me croira jamais. Moi-même si je ne l’avais pas vu, j’aurais du mal à y croire. Eh, mais je ne l’ai pas vu, en fait !

— Vous faites du théâtre depuis longtemps ?

Je fais le tour du comptoir et reviens vers elle.

— J’ai pour ainsi dire inventé le théâtre, mon amie. Aussi loin que je me souviens, j’ai toujours fait du théâtre. Je voudrais bien vous donner une date précise, mais j’ai bien peur qu’à l’échelle de ma vie, cela ne soit plus qu’un détail insignifiant. Ce qui compte, désormais c’est que le théâtre est inhérent à ma vie.

Je la prends encore par les épaules mais, eh, elle n’avait pas qu’à faire 1m50, la gnomette. Je la dirige alors vers l’escalier qui mène à la salle de spectacle et nous commençons à le gravir.

— Je ne vous ai toujours pas demandé votre nom, mon amie. Vous pouvez m’appeler Magicien, car on va dire que c’est ce que je suis fondamentale.

L’homme me répondit qu’il y avait bel et bien des fantômes. Qu’ils jouaient même dans la pièce ! C’était absolument incroyable !

Quand je lui demandai depuis combien de temps il était dans le métier, il fit le tour du comptoir avant de se lancer dans une longue tirade.

— J’ai pour ainsi dire inventé le théâtre, mon amie. Aussi loin que je me souviens, j’ai toujours fait du théâtre. Je voudrais bien vous donner une date précise, mais j’ai bien peur qu’à l’échelle de ma vie, cela ne soit plus qu’un détail insignifiant. Ce qui compte, désormais c’est que le théâtre est inhérent à ma vie.

Je souris doucement. Un sorcier pouvait vivre vieux. Mais l’invention du théâtre était plus vieille encore, enfin je crois. Il devait sans doute avoir créé un nouveau genre de théâtre, mais pas l’avoir inventé tout court ! Enfin, peut être étais-ce l’impression qu’il avait de lui-même.

Ou alors je me trompais totalement dans les dates et il avait réellement inventé le théâtre. Ce n’était pas mon domaine de prédilection et même si absolument tout restait gravé dans ma mémoire, je n’avais que feuilleté un livre sur le sujet.

Il posa sa main de nouveau sur mes épaules pour m’emmener vers des escaliers que nous commençâmes à gravir.

— Je ne vous ai toujours pas demandé votre nom, mon amie. Vous pouvez m’appeler Magicien, car on va dire que c’est ce que je suis fondamentalement.

Le Magicien ? C’était génial comme nom ! Ça sonnait bien ! Ça faisait rêver…

- Moi je m’appelle Autumn, ça s’écrit comme la saison automne mais avec un U à la place du O et pas de E à la fin. Répondis-je en souriant.

Sans pour autant me vanter, j’aimais bien ce prénom. Il était plutôt chouette.

Une fois en haut des escaliers, j’entrai avec lui dans la salle de spectacle et demandai, un peu étonnée.

- Il n’y a personne d’autre ce soir ?

— Moi je m’appelle Autumn, ça s’écrit comme la saison automne mais avec un U à la place du O et pas de E à la fin.

Automne en anglais, quoi. Ça se dit aussi Fall. Intéressant... Pour moi, j'entends ! J'en connaissais un paquet, autrefois, des Falls. J'en connaissais tellement que j'ai dû les enfermer dans une cage. Je l'appelais la Cage aux Falls.

Tout ça pour ça...

— Il n’y a personne d’autre ce soir ?

Pourquoi y aurait-il quelqu’un d’autre ? On n’est pas bien, là, tous les deux ? Tu veux gâcher ce moment, c’est ça ? Tu veux abuser de ma gentillesse, hein ? Tu veux qu’on reste juste amis, pas vrai ? AH ! Toutes les mêmes, ces femmes !

— Il n’y a personne de plus important que vous ce soir, vous voulez dire. Les “autres” arriveront plus tard, malheureusement. C’est hélas devenu une triste habitude chez les gens d’aujourd’hui que de n’être plus ponctuels. C’est une bien laide réalité, mais il faut faire avec.

J’ouvre la double porte devant nous, et dévoile la salle de spectacle. La scène se situe en contre-bas de toutes les rangées de fauteuils vides. C’est amusant, vu de là, on dirait la pente d’une colline.

Une pente de colline sur laquelle poussent des fauteuils de velours rouge. Ça, c’est de la colline, les amis.

— Bienvenue au Théâtre des Merveilles ! Je vous en prie, prenez place ! Votre fauteuil se situe au premier rang, au milieu ! C'est la place des princes !

Ou des artistes anciennement connus sous le nom de prince.

— Allez-y, asseyez-vous, nous n'allons pas tarder à commencer.

— Il n’y a personne de plus important que vous ce soir, vous voulez dire. Les “autres” arriveront plus tard, malheureusement. C’est hélas devenu une triste habitude chez les gens d’aujourd’hui que de n’être plus ponctuels. C’est une bien laide réalité, mais il faut faire avec.

Tard ? Mais il avait dit qu’il n’y avait pas d’heure, ensuite que j’étais en avance et donc, enfin, les gens arrivaient en retard !

C’était… étrange. Mais gentil dans un sens.

Mais cette pensée disparut quand il ouvrit la porte, dévoilant la salle absolument vide.
Je ne pus retenir un petit « waouh ! » d’admiration.

— Bienvenue au Théâtre des Merveilles ! Je vous en prie, prenez place ! Votre fauteuil se situe au premier rang, au milieu ! C'est la place des princes ! Allez-y, asseyez-vous, nous n'allons pas tarder à commencer.

Je descendis jusqu’en bas et repérai la première rangée.

D’accord ? Mais comment savoir lequel de ces fauteuils était le mien ?

Hésitante, je sortis le billet de ma sacoche et l’observai. Rien n’était indiqué dessus. Tant pis. Et puis il n’y avait personne, alors pourquoi chercher une place précise ?

Je m’installai sur le fauteuil du milieu et attendis. Impatiente.

Elle va s'installer dans l'un des fauteuils, qui s'avère être par le plus grand des hasards celui qui était prévu à cet effet.

Je veux dire, elle aurait pu s'asseoir dans un fauteuil qui n'est au départ pas prévu pour accueillir un postérieur aussi menu que le sien. Mais non, elle a bien choisi un fauteuil prévu pour accueillir un postérieur aussi menu que le sien. Le hasard fait bien les choses, d'autant que par chance, la totalité des fauteuils de mon théâtre sont prévus pour accueillir un postérieur aussi menu que le sien. C’est très gratifiant, encore plus parce qu’ils ont été montés à la mano. Et je vous raconte pas la galère !

Car monter un meuble à la main, c’est vraiment à la main ! Pas d’artifices, pas de tournevis, par d’épée, pas de clé, rien ! C’est un combat sans pitié entre le kit et l’homme. Déjà, un seul, c’est difficile à vaincre. Mais alors une horde ! Je ne vous en parle même pas !

Je disparais dans les coulisses et vais me poster derrière le rideau. Il est temps que le spectacle commence...

J'écarte le rideau d'un geste de la main et m'avance sur la scène. Je lève les bras, agite le bâton, et les musiciens dans la fosse commencent à jouer leur air entraînant.

— Mesdames et Messieurs, bienvenue ! Bienvenue ! Bienvenue au Théâtre des Merveilles, le théâtre de la vie ! Vous savez, la vie, c'est... long. Ça ne fait que 3 lettres, mais ça dure plusieurs années, plusieurs décennies, plusieurs siècles pour certains. Mais une chose est sûre, c'est que ce concept de 3 lettres est toujours plus court que la mort... qui en fait 4. Voyons voir ensemble... ce qu'il en est.

Je frappe la scène du bâton, et une fumée envahit la salle de spectacle. Elle m'enveloppe, et enveloppe ma seule spectatrice. Les lattes se désagrègent, les fauteuils se déforment, les murs se tordent, le plafond s'effondre pour laisser paraître une nuit d'automne sans étoiles.

Et nous voilà au milieu d'un cimetière, tous les deux.

A peine assise, le Magicien sortit de derrière les rideaux tandis qu’une musique entrainante s’éleva dans la salle.

— Mesdames et Messieurs, bienvenue ! Bienvenue ! Bienvenue au Théâtre des Merveilles, le théâtre de la vie ! Vous savez, la vie, c'est... long. Ça ne fait que 3 lettres, mais ça dure plusieurs années, plusieurs décennies, plusieurs siècles pour certains. Mais une chose est sûre, c'est que ce concept de 3 lettres est toujours plus court que la mort... qui en fait 4. Voyons voir ensemble... ce qu'il en est.

Je ne pus m’empêcher de sourire. C’était un jeu de mots très sympathique, très véridique aussi. Si tout le spectacle était dans le même genre que cette présentation, il promettait d’être vraiment génial !

L’homme frappa la scène de son bâton et une fumée épaisse m’enveloppa. Sentant mon siège se déformer, je me levai instinctivement, et, une seconde plus tard, nous nous trouvions dans un cimetière.

J’écarquillai les yeux et observai autours de moi, émerveillée. Allier magie et spectacle était vraiment la meilleure chose que j’ai jamais vue ! Est-ce qu’il fallait que j’applaudisse ? Normalement, c’était à la fin, non ?

Dans le doute, je me retins d’applaudir, ni même d’intervenir (ce serait vraiment malpoli de déranger son spectacle), et attendis que l’homme continue, guettant à tout moment l’arrivée des acteurs.

Je suis plutôt satisfait des effets spéciaux, ce soir. Ça, ça signifie deux choses.

D'une, je récupère petit à petit mes pouvoirs à mesure que j'établis mon emprise sur le théâtre.

De deux, se référer au point numéro un.

Mais ça ne suffit pas. Non non non. Pour que le Magicien redevienne le Magicien, il lui faut toujours plus de forces. Le coeur de l'amie Lexi n'est pas suffisant, loin de là. Ce qu'il me faut, c'est cette petite fille, là, devant moi, avec sa tête de chpoune poilu et ses yeux de girafe.

— Il y a bien longtemps, mais pas tant que cela, deux clans se livraient une guerre sans merci. Un jour, un sorcier très puissant jeta un sortilège terrifiant, qui força tous les membres du premier clan à se suicider ! Tous !

Je m'assois sur une pierre tombale et laisse le silence s'installer. Puis je reprends :

— Mais tout enchantement a ses défauts, si puissant soit-il.

Sauf certains qui sont en train de se mettre en place actuellement, mais, eh, je suis pas un amateur, moi.

— Car ce soir, mes amis... Ce soir, les suicidés se relèvent pour prendre leur revanche.

Le terre tremble soudain. Je replie mes jambes et m'assoie en tailleur sur la stèle, tandis que des mains décharnées émergent du sol. Au pied d'Autumn jaillissent des griffes squelettiques qui lui agrippent les mollets. Le cadavre s'extirpe de sa tombe, et se révèle être une Autumn décomposée.

Je la sens bien, c'te soirée, moi.

— Il y a bien longtemps, mais pas tant que cela, deux clans se livraient une guerre sans merci. Un jour, un sorcier très puissant jeta un sortilège terrifiant, qui força tous les membres du premier clan à se suicider ! Tous !

Je fronçai les sourcils et mon sourire disparut.

Cette histoire ressemblait à…

Non, ce devait être une coïncidence… C’ÉTAIT une coïncidence.

Je me rassurai intérieurement. Il ne fallait pas que je prenne mon cas pour une généralité. Après tout, il pouvait très bien avoir des histoires de sorciers et de clans rivaux... et de suicide. Roméo et Juliette quoi ! Sans le côté sorcier.

— Mais tout enchantement a ses défauts, si puissant soit-il.

Je guettais toujours les alentours. Les acteurs allaient bientôt arriver puisqu’il présentait l’histoire. Non ?

— Car ce soir, mes amis... Ce soir, les suicidés se relèvent pour prendre leur revanche.
Leur revanche ?

Je ne pus m’empêcher de pâlir légèrement et me ressaisis. J’étais au théâtre ! Ce n’était que du spectacle et ça n’avait rien à voir avec mon passé ! Qu’est que j’étais stup..iiiiirk !

Je poussai un glapissement effrayé et bondis sur le côté en sentant quelque chose m’attraper la cheville. Mais la chose me tenait tellement fort que je trébuchai et m’étalai par terre tandis qu’elle s’extirpait entièrement de la terre.


Ecarquillant les yeux, je réalisais à peine ce qui se dressait devant moi. Moi… Moi… C’était moi !!
Mon cœur bondit à m’en arracher la poitrine et je rampai en arrière pour me défaire de son emprise.

Ce n’était pas possible !!!

Non !!!

- Mais je ne suis pas morte ce jour-là ! Protestais-je sans pouvoir quitter mon cadavre ambulant du regard, comme s’il allait me sauter dessus si je clignais des yeux un instant.

Je croyais que cette histoire n’avait rien à voir avec la mienne ! Comment était-ce possible ?

- Comment faites-vous ?!

C'était... C'était des acteurs !

Oui c'est ça ! Une actrice qui me ressem... Non ! Non, non et non ! Je savais parfaitement reconnaitre un véritable cadavre et celui là était bel et bien... Ce n'était pas possible !

— Mais je ne suis pas morte ce jour-là !

Il fallait croire que si. Puisqu'elle était et n'était plus en même temps. Vous le voyez à l'instant, les zamigos, j'ai résolu le dilemme de Scherzinger.



Ou était-ce Schrödinger ?



Eh bien quoi ? Schrödinger a un chat, Scherzinger a les Pussy Cats ! C'est quand même pas bien différent ! ... si ? NON !

— Comment faites-vous ?!

Je surgis derrière elle et lui pose trois mains (eh bien quoi ?) sur les épaules et la tête, la maintenant au sol.

— Je suis le Magicien, Autumn, je ne fais rien, je me contente de réaliser ce que tu aimes le plus. Et tu aimes la mort, non ?

Ma longue queue écailleuse et serpentine s'enroule autour de ses jambes. Je me relève, et la soulève dans les airs, la tête en bas, au niveau de mon visage.

— Je crois que tu l'aimes même plus que ça. Je crois que tu la cherches.

Je la relâche, et son double cadavérique se jette sur elle. Elle lui porte les mains au cou et commence à l'étrangler.

— Pourquoi es-tu vivante, Autumn ? Pourquoi as-tu survécu, alors que tous les autres sont morts ? Papa, Maman ? As-tu la moindre idée du mal que tu leur fais en continuant à respirer ? Imagines-tu seulement la honte que tu es pour eux quand ils voient que ton coeur bat toujours ?

Le Magicien se rapprocha. Je cru un instant qu’il allait m’aider, mais à la place, il me maintint au sol.

— Je suis le Magicien, Autumn, je ne fais rien, je me contente de réaliser ce que tu aimes le plus. Et tu aimes la mort, non ?

Je blêmis en écarquillant les yeux, comprenant ce qu’il signifiait par là.

Je n’arrivais pas à le contredire, ni même à bouger d’ailleurs.

Qu’est-ce que c’était que ce spectacle ?

Etait-il sérieux en sous entendant qu’il allait me tuer ? Comment savait-il mon passé et ce que j’étudiais depuis tant d’années ?

Qu’est-ce que c’était que ce spectacle ?!!!

Je sentis quelque chose s’enrouler autour de mes jambes et me soulever. Je cherchai du regard ce que ça pouvait bien être, remontai le long de ce… truc… et me rendis compte qu’il s’agissait d’une queue. Quel type de sorcier pouvait bien avoir une queue ?!

Me retrouvant tête en bas, j’eus le réflexe d’empêcher ma robe de se retourner en la maintenant avec mes mains, mais c’était peine perdue.

Et puis les mots du Magicien me glacèrent le sang :

— Je crois que tu l'aimes même plus que ça. Je crois que tu la cherches.

- Non ! Non ! Je veux juste comprendre !!!

Je chutai douloureusement et n’eus pas le temps de me relever que le… la… chose qui me ressemblait se jeta sur moi. Je sentis ses doigts glacés s’enrouler autour de mon cou et me débattis furieusement pour lui échapper.

Je ne voulais pas mourir !

— Pourquoi es-tu vivante, Autumn ? Pourquoi as-tu survécu, alors que tous les autres sont morts ? Papa, Maman ? As-tu la moindre idée du mal que tu leur fais en continuant à respirer ? Imagines-tu seulement la honte que tu es pour eux quand ils voient que ton coeur bat toujours ?

Je me cambrai pour essayer de faire basculer le cadavre au-dessus et mes pensées défilaient trop vite pour que j’aie le temps de les attraper au passage. Je sentais les larmes couler à flot et suffoquai encore plus.

Les mots du Magicien m’avaient touchée en plein cœur. Je pensais avoir fait le deuil de mes parents en comprenant ce qu’était la mort. Alors pourquoi était-ce aussi douloureux ?

Pourquoi étais-je vivante ? Pourquoi moi et pas eux ? J’avais beau avoir tout étudié sous toutes ses formes je n’y avais trouvé aucune réponse.

Les doigts se resserrèrent autours de ma gorge et le paysage semblait tourner autour de moi. Je ne voulais pas mourir ! Je voulais juste savoir pourquoi ! J’étais heureuse d’être vivante ! Mais pourquoi moi et pas les autres ? Pourquoi ???

Je sentais que je sombrais petit à petit. Tout devenait noir maintenant…

Non !!

NON !!!


NOOOON !!!!


JE NE VOULAIS PAS MOURIR !!!!!



Un regain d’adrénaline me donna assez de force pour frapper la chose et la faire tomber à côté de moi. Je roulai en toussant et me trainai tant bien que mal le plus loin possible.

J’inspirai de grandes bouffées d’air au fur et à mesure que tout redevenait net autours de moi et mon esprit m’afficha immédiatement toutes les statistiques, les dates et les noms des personnes mortes par strangulation que je connaissais. Il m’afficha aussi tous les sorts mortels que j’avais appris. Je ne m’en étais jamais servi, je ne pensais jamais m’en servir, mais là, tout de suite, je n’en étais plus aussi sûre.

J’avais récupéré la totalité de mes forces. Je me relevai et me retournai vers le Magicien et la chose.

Tout en la regardant, je me répétai intérieurement et en boucle que ce n’était pas moi. Ca ne pouvait être moi puisque j’étais vivante ! J’avais survécu ! Je ne savais pas pourquoi mais j’avais survécu !


- Vous vous êtes trompé ! Ma voix tremblait et je ne pouvais retenir mes larmes qui continuaient de couler. Je n’étais pas totalement sûre de ce que j’allais dire, ni de ce que j’allais faire. Une seule chose était sûre : je ne voulais pas mourir. Je n’aime pas la mort ! Je l’étudie pour la comprendre. C’est tout !

Elle se débat plutôt bien, la petite. Mine de rien, elle a la volonté. Je ne pensais pas. En général, le syndrome de Lazare, ça paralyse suffisamment l'esprit. Maaaiiis je dois reconnaitre qu'elle est tenace.

Elle rejette l'Autumn en arrière, roule et se relève.

— Vous vous êtes trompé !

Je me permets de hausser un sourcil interrogateur et, admettons-le, poilu.

— Oh, vraiment...
— Je n’aime pas la mort ! Je l’étudie pour la comprendre. C’est tout !

Oh, vraiment. Bis.

Je m'approche d'elle, lentement, lui agrippe la nuque, et la tire brusquement en arrière, contre moi. Un piano s'écrase soudain juste devant notre nez.

— Tu ne l'étudieras pas bien longtemps sans moi, Autumn, lui susurré-je à l'oreille. Regarde autour de toi.

Les morts, qui ne l'étaient au final pas tant que ça, nous frôle en grognant, se dirigeant instinctivement vers ce qui me semble être l'Est. Ou est-ce l’Ouest ? Si c’est à ma droite, c’est forcément l’Est. Non ?

— Regarde toute cette mort trainante, grouillante, dégoutante. Toi et moi le savons mieux que quiconque, Autumn. Nous sommes constamment cernés de morts en devenir. Toi aussi, tu es une morte en devenir.

Moi c’est un poil différent. Pour être mort, il faudrait déjà que j’aie pu naitre.

— Tu veux comprendre la mort, tu ne la comprendras pas si tu le deviens. Tu seras juste une autre parmi le flot de pourriture. Et c’est là que tu dois te poser la question essentielle !

Je me tourne et lui montre, du bout du bâton, son double décomposé.

— Es-tu réellement fascinée par la mort… ou plutôt par la raison pour laquelle tu as survécu ? Cherches-tu à comprendre le concept de la mort, ou la source de ta vie… ?

Il m’agrippa et me tira d’un coup. Je n’eus pas le temps de m’écarter de lui qu’un piano s’écrasa juste devant nous.

— Tu ne l'étudieras pas bien longtemps sans moi, Autumn.

Etait-ce une menace ?

Je reniflai en essuyant mes larmes de la paume de ma main.

- Regarde autour de toi.

Je me collai inconsciemment au Magicien pour ne pas toucher les morts. Ce n’était pas la première fois que j’en voyais. J’avais déjà déterré des cadavres et effectué des autopsies, mais ces morts-là étaient dangereux et véritablement effrayants.

— Regarde toute cette mort trainante, grouillante, dégoutante. Toi et moi le savons mieux que quiconque, Autumn. Nous sommes constamment cernés de morts en devenir. Toi aussi, tu es une morte en devenir.

- C’est un passage obligatoire et naturel. Me défendis-je tout bas.

Tout être vivant devait mourir un jour. Ne pas mourir revenait à devenir un cancer prospérant et tuant petit à petit le grand organisme qu’était la nature.

— Tu veux comprendre la mort, tu ne la comprendras pas si tu le deviens. Tu seras juste une autre parmi le flot de pourriture. Et c’est là que tu dois te poser la question essentielle !

Je me tournai vers lui et suivis son bâton du regard. Frémissant en voyant la chose qu'il désignait.

— Es-tu réellement fascinée par la mort… ou plutôt par la raison pour laquelle tu as survécu ? Cherches-tu à comprendre le concept de la mort, ou la source de ta vie… ?

J’ouvris la bouche pour répondre mais ma voix se coinça dans ma gorge. J’étais incapable de répondre. Incapable de savoir ce qui était plus important. Comprendre la mort pouvait m’aider à comprendre ce qui m’était arrivé, non ?

- Je… Je…

Mais l’élément déclencheur était bien le fait que j’avais miraculeusement survécu.

- Je veux savoir pourquoi et comment j’ai survécu… pourquoi moi et pas les autres ?

Je fronçai les sourcils.

- Je n’ai visiblement rien de plus que les autres !

— Je… Je… Je veux savoir pourquoi et comment j’ai survécu…

Eh bien voilà, on y arrive. On y a mis le temps, mais on y arrive.

— Pourquoi moi et pas les autres ?

C'est une question légitime. Moi-même je me la suis posée quand j'ai été investi de mes pouvoirs quasi-divins. Étant modérateur, mes pouvoirs sont même quasi-modo. Ha ha. Next.

— Je n’ai visiblement rien de plus que les autres !

Bah... Déjà, des pouvoirs magiques. C'est pas rien, quand même, des pouvoirs magiques. Bon, c'est pas aussi cool que la capacité de faire tomber des pianos du ciel. Mais ça aide un peu, dans la vie.

Ensuite... bin t'es quand même un peu vivante. J'veux pas dire, mais j'le dis quand même, toi au moins t'as encore un coeur, deux poumons et deux ovaires qui fonctionnent, ce qui n'est pas le cas de tout le monde ici. Pas vrai, Autumn 2 ? Pas vrai, Autumn 2 ? Tu comptes me répondre, Autumn 2 ? Tu comptes m'entendre, Autumn 2 ? Bah tu vois, t'as des oreilles, aussi, par rapport à Autumn 2.

Je lui pose la main sur l'épaule et prend un air sol à nel. Comme solennel, mais en plus swag.

— Apparemment si, mon amie. Tu as bien plus qu'eux ! Sinon tu ne serais pas là avec moi mais plus là avec eux, aujourd'hui.

C'est bien français, ça ?

Je lui tapote le nez du bout de doigt, accentuant chacune de mes syllabes d'un petit coup.

— Mais je suis là pour toi.

D'un geste du bâton, je lui montre le ciel noir, lequel se perce soudain d'un point lumineux.

— Regarde, ce point brillant. Tu sais ce que c'est ? C'est toi dans ce monde. Oh, ce n'est encore qu'un petit point, mais...

Je lui pose paternellement les deux mains sur les épaules, et m'accroupit un peu à son niveau.

— Si tu me laisses t'aider, tu peux devenir bien plus qu'un petit point.

Le trou dans le ciel s'agrandit soudain et explose, laissant place à un monde radieux, coloré, et petitponeysien.

— Qu'en dis-tu ?

— Apparemment si, mon amie. Tu as bien plus qu'eux ! Sinon tu ne serais pas là avec moi mais plus là avec eux, aujourd'hui.

Je baissai les yeux et penchai la tête sur le côté. Ce n’était pas faux.

Il me tapota le bout du nez et je reculai instinctivement le visage.

— Mais je suis là pour toi.

Lui ? Alors qu’il avait fait apparaitre un double de moi qui avait tenté de m’étrangler ?!

Soudain, un rai de lumière vint transpercer cette ambiance morbide et je relevai la tête pour voir d’où il pouvait bien provenir.

— Regarde, ce point brillant. Tu sais ce que c'est ? C'est toi dans ce monde. Oh, ce n'est encore qu'un petit point, mais...

J’étais surprise de ce revirement de situation, déstabilisée et rassurée en même temps. Je guettais tout de même la chose du coin de l’œil, mais elle semblait s’être calmée.

— Si tu me laisses t'aider, tu peux devenir bien plus qu'un petit point.

Plissant les yeux sous l’afflux soudain de lumière, je mis quelques secondes à m’y réhabituer et constatai que tout avait changé.

C’était à présent magnifique, idyllique même. Je me détendis en observant autours de moi et reportai mon attention sur le Magicien.

— Qu'en dis-tu ?

Je le considérai quelques secondes.

Cet individu était étrange. Il avait lancé un zombie sur moi et maintenant, il proposait de m’aider.



Mais en même temps, si je n’avais pas été confrontée à ce… cette chose, je n’aurais jamais réfléchi à ce qui importait réellement ! Etait-ce une façon de m’aider ?

- D’accord. Soufflais-je.

Je sentis mes épaules puis tout le reste de mon corps se relâcher et scrutai le visage de l’homme en face de moi, comme s’il avait toutes les solutions à mes problèmes.

- Mais comment comptez-vous faire ?

— D’accord. Mais comment comptez-vous faire ?

Aaaaaah, j'aime l'effet cathartique du théâtre ! Ça rassure les esprits, ça calme l'âme, ça tranquillise le corps ! Le théâtre, c'est la vie ! Cette jeune fille est en vie, par conséquent elle est le théâtre !

Que de beaux syllogismes, j'en suis tout retourné !

— Il y a plein de choses à faire pour y parvenir, mon amie. Tant de choses, tant de possibilités ! Tout dépend de vous, bien entendu, car sans votre accord, j'ai les mains liées.

Je lui montre mes poignets attachés par une corde épaisse.

— Si tu me fais confiance, je peux te rendre aussi immortelle que moi, et tu pourras alors étudier la mort autant que tu le voudras, et comprendre la raison de ta survie...

Si elle a survécu, c'est bien qu'elle doit avoir quelque valeur à mes yeux. Il n'y a jamais de hasard, ça, je l'ai appris plutôt vite. Et s'il n'y a pas de hasard, il n'y a que du destin.


Et du foie gras.


Je fais apparaitre une table et une chaise, qui se glisse sous les fesses de l'amie Autumn et la force à s'asseoir. Puis j'ôte mon chapeau, plonge la main dedans, et en sors un parchemin. Je le déroule, jusqu'à ce qu'il s'étende sur une bonne dizaine de mètres.

— C'est un contrat. Tu te doutes bien que de nos jours, on doit tout faire par écrit. Il y a trop d'escrocs.

— Il y a plein de choses à faire pour y parvenir, mon amie. Tant de choses, tant de possibilités ! Tout dépend de vous, bien entendu, car sans votre accord, j'ai les mains liées.


Il me tendit ses poignets réellement attachés et m’arracha un faible sourire.


— Si tu me fais confiance, je peux te rendre aussi immortelle que moi, et tu pourras alors étudier la mort autant que tu le voudras, et comprendre la raison de ta survie...

Je fronçai les sourcils en entendant cette proposition. L’immortalité.


L’immortalité était contre nature chez les sorciers. Si nous n’étions pas immortels, il devait y avoir une raison. Une raison logique et nécessaire au bon fonctionnement du monde !


Ne pas mourir équivalait à être un grain de sable dans l’engrenage de la nature. Oh, bien sûr, je ne voulais pas mourir tout de suite, mais il faudrait bien que j’y passe un jour.

Et puis… Il avait dit être immortel… Un sorcier immortel.

- Vous êtes immortel… Soufflais-je sur un ton désapprobateur.

Je réalisai ce que cela devait impliquer pour lui et fut soudainement triste pour cet homme.

- Vous devez vous sentir bien seul…

Il avait sans doute vu mourir des amis, enterrer ses enfants, ses petits-enfants… Et assistera sans doute à la fin du monde et de l’univers. Ce n’était vraiment pas un sort enviable.

Il fit apparaitre une table et je sentis quelque chose cogner derrière mes genoux, me forçant à m’asseoir sur la chaise qui était également apparue.

Plongeant la main dans son chapeau, je l’observai en sortir un contrat. Silencieuse.

— C'est un contrat. Tu te doutes bien que de nos jours, on doit tout faire par écrit. Il y a trop d'escrocs.

Nouveau sourire.

J’avisai le contrat posé sur la table.


L’immortalité.


Ce n’était pas rien. Ce n’était pas non plus une réponse à mes recherches. Juste un moyen.


En fait je pouvais envisager cela comme un délai supplémentaire. Oui. Et quand j’aurais trouvé, si j’ai dépassé l’âge naturel que peux atteindre un sorcier à ce moment-là, je forcerais la mort à rétablir l’ordre des choses.

Je cherchai des yeux le stylo pour signer.

Et puis ici, sur Edora, beaucoup de créatures étaient immortelles. Il y a donc moins de risque d’enterrer un ami. De le voir vieillir…

Vieillir…

- Est-ce que mon corps se dégradera d’une manière naturelle ? Demandais-je. Est-ce que je vais devenir une sorte de zombie ? Ou être toute fripée et rongée par la maladie ? Est-ce que je pourrais être tuée de manière non naturelle ?

Je reportai de nouveau mon attention sur le contrat.

- Et que dois-je donner en échange ?

— Vous êtes immortel…

Oui, et alors ? C'est quoi, c'te remarque ? T'as un problème, petite ? C'est exactement comme de faire remarque à un arabe qu'il a le teint basané !

Raaaaaaciiiiiiiste ! Bouh, raciste ! Anti-mariage pour tousiste ! Fasciste ! Extrémiste ! Salafiste ! Opportuniste ! Gaz de schiste !

— Vous devez vous sentir bien seul…

Et ta soeur, elle se sent seule ? Écoute, cocotte, j'ai pas fait toute cette mise en scène hyper réaliste pour me faire entendre dire que je suis un vilain garçon.

SIGNE !

— Est-ce que mon corps se dégradera d’une manière naturelle ? Est-ce que je vais devenir une sorte de zombie ? Ou être toute fripée et rongée par la maladie ? Est-ce que je pourrais être tuée de manière non naturelle ?

... De simples formalités ! SIGNE !

— Non. Non plus. Toujours pas. Ça dépend. En fait, tout dépend de toi ! Il est clair et net que tu ne peux pas empêcher un piano de te tomber dessus. Bon, bien entendu, hé hé hé... on peut toujours rajouter quelques clauses au contrat pour t'octroyer des facultés supplémentaires, hein.
— Et que dois-je donner en échange ?

Je me penche vers elle et lui tends un stylo.

— Je me débrouillerai pour ça.

Et maintenant... veux-tu bien... SIGNER ?!

— Non. Non plus. Toujours pas. Ça dépend. En fait, tout dépend de toi ! Il est clair et net que tu ne peux pas empêcher un piano de te tomber dessus. Bon, bien entendu, hé hé hé... on peut toujours rajouter quelques clauses au contrat pour t'octroyer des facultés supplémentaires, hein.

Je fronçai les sourcils. Il semblait… pressé.

Enfin, si je résumais, je ne vieillirais pas mais on pourra m’assassiner, ou un malheureux accident me frappera…

En parlant d’accident… Si je venais à mourir avant de dépasser l’âge naturel que doit atteindre un sorcier, peut-on considérer que j’aie été immortelle ? Si je décédais étrangement un jour après cette date, peut-on considérer que le contrat a été respecté ?

En parlant de contrat. C’était un accord. Quelque chose contre une autre et non un acte de générosité.

— Et que dois-je donner en échange ?

— Je me débrouillerai pour ça.

J’esquissai une moue contrariée et pris le stylo qu’il me tendait.

Je n’étais pas stupide, il éludait la question et il était évident que peu de choses pouvaient valoir l’immortalité. Je devrais sans doute donner quelque chose de très cher. De très précieux. La seule question était : jusqu’où étais-je prête à aller pour trouver les réponses que je cherchais ?

- D’accord, je vais signer. Cédais-je avant de reprendre, peu sûre de moi. Mais à une condition : celle de mourir quand je le souhaiterais.

Je rougis de mon audace et baissai les yeux en rentrant légèrement la tête entre mes épaules.

- Si je meurs avant mes 500 ans, on ne peut pas considérer que j’aurais été immortelle et si je meurs juste après, on peut aussi considérer que je me serais fait avoir puisque je n’aurais pas vraiment profité de mon immortalité. La seule solution est de contrôler moi-même ce phénomène sur ma propre personne.

Je repris mon souffle, me rendant compte que j’avais à peine respiré durant ma tirade.
Une fois le contrat modifié, je posai la pointe du stylo en bas du contrat et si….Ah ? Voilà qui était nouveau maintenant !

Je gribouillai sur ma main et constatai que le stylo fonctionnait bien.

Etrange.

Je retentai une signature, mais l’encre ne semblait pas vouloir couler sur le papier.

- Qu’est-ce qu’il se passe ?!

J’étais réellement surprise, mon regard allait de la feuille au stylo sans comprendre pourquoi je ne pouvais signer ce contrat.

— D’accord, je vais signer.

Brave fille. Elle est décidément lente à la détente, celle-là. Pourquoi je l’ai choisie, rappelez-moi ?

— Mais à une condition : celle de mourir quand je le souhaiterais.

… Hein ? What ? Sérieusement ? C’est tout ? Honnêtement, je m’attendais à bien plus ambitieux. Oh, well… Je vais pas me plaindre !

— Si je meurs avant mes 500 ans, on ne peut pas considérer que j’aurais été immortelle et si je meurs juste après, on peut aussi considérer que je me serais fait avoir puisque je n’aurais pas vraiment profité de mon immortalité. La seule solution est de contrôler moi-même ce phénomène sur ma propre personne.
— Diante, mais… Tu as tout à fait raison !

Je tape la paume ouverte de ma main gauche avec mon poing droit.

Comment ne l’avais-je pas vu venir ? C’est évident, la pauvre ! Il ne faut quand même pas qu’elle sente qu’elle va se faire entuber !

Je lui souris.

— Entendu. Dès que tu en auras assez, viens me trouver. Ne t’inquiète pas, je ne serai jamais bien loin.

Elle prend le stylo, et… et… et elle SIGNE ! HA HA HA HA HA HA HA HA ! OUI ! OUIOUIOUIOUI ! ELLE A SIGNÉ !

Aaaaaah je suis le plus des homune minute…

Je la vois gribouiller sur sa main. Mais elle est complètement stupide, c’te fille ! C’est là, LÀ, qu’il faut signer, par sur ta main !

— Qu’est-ce qu’il se passe ?!

Comment, qu’est-ce qu’il se passe ? C'est pas vrai, faut tout faire soi-même !

— Comment ça, qu'est-ce qu'il se passe ?

Elle essaie d'écrire sur le contrat, mais l'encre ne sort pas.

Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

— C'est impossible, constaté-je à demi-voix. C'est virtuellement impossible.

Je lui prends le stylo des mains. C'est impossible. Complètement impossible. Je me tourne vers Autumn, plus interloqué que furax. La table et la chaise disparaissent.

— Quelque chose ne va pas. Quelque chose ne va pas du tout, du tout, du tout. Bon je vais tenter un truc. Ne t'en fais pas, ce n'est pas douloureux. Si ça rate, ça ne te fera rien du tout. Et si ça réussit, tu seras grillée avant d'avoir ressenti quoi que ce soit. Prête ?

Sans attendre, je lui projette un éclair dessus. Le projectile fuse et, what the hell, rebondit sur elle ! Il se met à sauter dans tous les sens, rebondissant contre tout et n'importe quoi, et achève sa course en transperçant mon chapeau de part en part.

Je prends mon couvre-chef, et l'inspecte.

Heure du décès : 20h37.
Tombé sur le champ de bataille.

— C'est ce que je craignais. Tu es totalement immunisée à la magie. C'est pour le moins... inattendu.

La table et la chaise disparurent et je m’écroulai par terre.

— Quelque chose ne va pas. Quelque chose ne va pas du tout, du tout, du tout.

Me relevant, je massai mes fesses douloureuses.

- Bon je vais tenter un truc. Ne t'en fais pas, ce n'est pas douloureux. Si ça rate, ça ne te fera rien du tout. Et si ça réussit, tu seras grillée avant d'avoir ressenti quoi que ce soit. Prête ?

Quoi ?!

Ayant à peine le temps de réagir, je levai les bras devant mon visage pour me protéger de l’éclair qu’il m’envoya et qui… rebondit ?! Rebondit !

REBONDIT !!

Qu’est-ce qu’il s’est passé ?!

— C'est ce que je craignais. Tu es totalement immunisée à la magie. C'est pour le moins... inattendu.

Je restai bouche bée, totalement interdite, et répétai :

- Immunisée ?

C’est alors qu’une pièce du puzzle se mit en place dans ma tête.

- C’est pour ça que j’ai pu échapper au sort qui a poussé tout le monde au suicide ! Mais comment ai-je pu être immunisée ?

J’étais immunisée à la magie…

Je fronçai les sourcils.

- C’est vraiment étrange… On a déjà opéré des sorts de soin sur moi, et ils ont fonctionné !

Soupirant, enfin, j’observai le théâtre puis le Magicien. C’était beaucoup de révélations en une soirée ! Et c’était loin d’être terminé.

- Comment allons-nous faire du coup ?

— Immunisée ? C’est pour ça que j’ai pu échapper au sort qui a poussé tout le monde au suicide ! Mais comment ai-je pu être immunisée ?
— Il peut y avoir plein d'explications possibles... Évolution naturelle, accident, mutation, maladie congénitale, sortilège ancien et donc puissant, mais pas aussi ancien que moi, faut pas exagérer non plus, malédiction, rune de protection...
— C’est vraiment étrange… On a déjà opéré des sorts de soin sur moi, et ils ont fonctionné !
— Ça n'est absolument pas comparable. Un sort de soin te restaure à ton état initial, et ne fait en somme que réparer ce qui a été temporairement cassé et qui se serait, de toute façon, guéri tout seul. Là... on parle quand même de l'immortalité !
— Comment allons-nous faire du coup ?

Je pose mon chapeau troué sur la tête et me prends le menton entre le pouce et l'index. Plus que comment nous allons faire, la question est comment JE vais faire...

J'ai besoin qu'elle signe ce foutu contrat. Bon sang, je joue vraiment de malchance ces derniers temps. Ça commence avec cette louvinette bébête, et ensuite maintenant c'est cette sorcière d'opérette qui a une protection... Je commence à croire que, s'il y a un dieu, eh bien il ne m'aime pas vraiment.

Heureusement que c'est moi qui l'ai créé.

Anyway...

Il faut réfléchir à une idée, et vite, parce que je peux clairement pas la laisser partir comme ça. J'ai besoin d'être sûr qu'elle ne me tournera pas le dos au dernier moment. Et c'est pas parce qu'elle a l'air tout chpoune que c'est pas une salope.

J'les connais, les meufs, moi ! J'sais comment ça fonctionne ! Ça te poignarde dans le dos et ça s'enfuit avec l'argent et les gamins dès que ça peut ! Sales bêtes ! Vicieuses ! Menteuses ! Tricheuses !

Pouah ! Rien que votre pure existence me dégoute !

Soudain, l'idée du siècle de la décennie de l'année du mois de la semaine du jour de l'heure. Une idée ordinaire, somme toute. Je fais apparaitre dans mes mains une grosse boite contenant trois tiroirs, empilés les uns sur les autres.

Puisqu'on ne peut pas changer cette demoiselle, on n'a qu'à changer la réalité qui l'entoure...

Je lui tends mon petit meuble.

— Attention, c'est lourd.

Une fois débarrassé, je lui pose un gros manuel de 782 pages dessus.

— Mode d'emploi. Explications. Ceci est un RW3000, le dernier de la gamme Reality Warp. Chaque tiroir, tant qu'il est ouvert, change la réalité autour de toi et l'adapte selon tes désirs. Si le tiroir se referme, la magie cesse d'opérer. Tu as trois tiroirs, ce qui équivaut à trois opportunités de changer les choses.

Attention toutefois, car le prix à payer sera plus élevé que celui d'un contrat plus basique...

L’homme sortit une boite à tiroirs.

Lorsqu’il y des tiroirs sur un objet aussi grand, peut-on toujours le considérer comme une boite ou plutôt comme un meuble ?

Je n’eus pas le temps d’y réfléchir plus longtemps.

— Attention, c'est lourd.

Je manquai de tomber en avant sous le poids de l’objet et, une fois mon équilibre rétablit… manquai de nouveau de m’effondrer lorsqu’il posa un énorme livre par-dessus.

— Mode d'emploi. Explications. Ceci est un RW3000, le dernier de la gamme Reality Warp. Chaque tiroir, tant qu'il est ouvert, change la réalité autour de toi et l'adapte selon tes désirs. Si le tiroir se referme, la magie cesse d'opérer. Tu as trois tiroirs, ce qui équivaut à trois opportunités de changer les choses.

Je fronçai les sourcils. Ce n’était pas très clair.

Comment peut-on changer la réalité ? Et pourquoi ? Et qu’est-ce qui devient réel alors ? Et comment cela pourrait m’aider ?

- Je ne comprends pas grand-chose. Avouais-je. Qu’est-ce que je pourrais bien changer ? Et n’importe qui pourrait refermer ce tiroir !

Je songeais à tout ce qui pourrait changer : la mort de mon clan ?

Mais c’était quelque chose de nécessaire, impliquant d’énormes conséquences ! Cela modifierait ma vie entière et qui sait…. Je disparaitrais ! Enfin, mon moi de maintenant disparaîtrait. Non ?

Alors que changer d’autre ?

Mon immunité ? Pour signer le contrat ? Mais si je refermais le tiroir, tout disparaitrait.

Et d’ailleurs :

- Et si on referme le tiroir, disons, par accident, est-ce que les changements qui auraient été opérés sur moi s’annulent aussi ?

Ce serait peut-être l’occasion d’avoir plusieurs vies, trois vies par exemples.