Recensement [PV Isei]

Carnet en main, je notais méthodiquement tous les noms et les dates affichées sur les tombes. J’avais beau avoir une mémoire quasi infaillible, il était toujours plus simple d’avoir tout sous les yeux pour réfléchir sans avoir à chercher sans arrêt les informations.

Pourquoi je faisais cela ? Eh bien je comptais les morts. Je les recensais, pour mes statistiques.

On n’avait pas voulu que j’accède aux documents officiels, sans doute à cause de mon jeune âge, alors je me débrouillais comme je le pouvais.

J’avais beau être arrivée il y a peu, ce n’était pas une raison pour chômer. Les recherches n’attendaient pas et j’avais tout un tas de personnes à interroger. C’est étrange, je pensais être un peu mieux acceptée dans cette ville, mais j’avais l’impression que c’était encore pire.
Pourtant ça avait plutôt bien commencé, on m’avait donné une certaine somme d’argent en arrivant, et j’avoue que je n’en avais jamais eu autant en ma possession, j’avais donc loué un petit appartement et je m’étais présentée aux voisins.

C’est là que ça a commencé. Ils m’ont regardée de haut en bas en grimaçant et m’ont claqué la porte au nez. C’est vrai que ma coupe de cheveux n’était pas très aux normes. Si on me demandait quelle longueur ils font actuellement, je ne saurais dire s’ils m’arrivent jusqu’aux cuisses ou jusqu’au nez. En fait c’était un peu toutes les longueurs à la fois. Et puis les pointes bleues devaient aussi les gêner. Et les plumes. Et les barrettes. Et tresses. Et les bracelets et colliers sans doute. Et peut-être aussi Marcus. Pourtant Marcus n’était qu’un simple crâne qu’on utilise en cours de biologie et que j’attachais souvent à ma ceinture.

Allez savoir pourquoi, un crâne effraie. Pourtant tout le monde en a un !

Toujours est-il que je n’étais visiblement pas très appréciée dans le voisinage, malgré tous mes efforts habituels pour être le plus agréable possible. J’avais même essayé de faire un gâteau ! Les thériantropes d’à côté m’ont lancé un regard horrifié et j’ai bien cru qu’ils allaient s’enfuir en courant. Pourtant, je n’avais pas le gabarit le plus effrayant au monde. Je ne dépassais pas le mètre soixante et encore moins les cinquante kilos. Enfin, après une guerre, il est normal que les gens soient méfiants envers les étrangers. Et puis, c’est vrai que je n’étais pas une très bonne cuisinière. Le gâteau était absolument dégoutant d’ailleurs, et je ne regrette pas qu’ils l’aient refusé finalement.

Comment en étais-je arrivé à penser à ça ? Ah oui, mon intégration difficile. Les gens étaient donc plutôt méfiants, mais j’avais l’habitude. Sur Terre aussi, on me regardait bizarrement, mais ça ne m’empêchait pas de poursuivre mon étude sur la mort.

D’ailleurs, j’avais atteint la moitié des tombes de ce cimetière. Je changeai de page pour pouvoir continuer à écrire et repérai quelqu’un au loin.

Quelqu’un qui allait voir un proche décédé ? C’était peut-être une chance de recueillir son témoignage !

Je me rapprochai de lui et l’interpellai d’une voix timide :

- Excusez-moi, s’il vous plait, vous êtes venu vous recueillir sur une tombe en particulier ?

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La personne se retourna et je pu constater qu’il s’agissait d’un garçon, enfin d’un homme plutôt jeune. Enfin, jeune… Personne ne faisait son âge ici, et j’avais l’impression d’être la seule à faire le mien. Mais cela pouvait être une bonne chose, parce que qui dit personne âgée, dit aussi tout un tas d’histoires et de morts passionnantes à raconter !

Mais pour le moment, il avait surtout l’air triste. C’était une réaction que j’avais très souvent notée chez les personnes, même si, finalement, le décès était une étape obligatoire. Tout le monde y passait, et ne pas mourir était une chose peu naturelle qui pouvait très vite bouleverser l’ordre des choses ! Un peu comme une cellule inoffensive qui, au lieu de s’arrêter de fonctionner pour laisser place aux autres, continuerait à se développer, formant petit à petit un cancer qui s’étendrait. Parce que oui, un cancer, ce n'était qu'une cellule qui ne mourait pas.

«Celle de ma cousine, oui...»

Il se tourna de nouveau vers la tombe et ajouta :

«Mais pourquoi cette question...?»

J’hésitai. J’avais l’impression de le déranger, mais je ne comprenais pas non plus qu’on soit occupé alors qu’on ne faisait que regarder une tombe. Il n’y avait que des restes de chair décomposée et non la personne en question ! D’ailleurs chaque religion avait sa théorie sur ce que devenait l’esprit après la mort, c’était très passionnant !

- Je mène une étude et j’aimerais avoir quelques témoignages de personnes ayant perdu leur proches. Je ne pensais pas rencontrer quelqu’un ici, avouais-je, mais est-ce que vous accepteriez de répondre à quelques questions du coup ?

J’appréhendai sa réponse. Peu de personnes acceptaient de me parler et obtenir des informations était vraiment difficile.

- Bien sûr, rien ne vous y oblige. Ajoutais-je d’une petite voix timide.

Il hésitait mais j’étais patiente et un peu habituée aux refus. Et puis s’il refusait, j’irais trouver d’autres personnes à interroger. Enfin, je serais quand même déçue, certes, mais je ne pouvais pas le forcer non plus. Et puis il avait peut être prévu quelque chose ce soir.

Mais j’avais tellement envie d’avoir son témoignage !

Je passai timidement une main dans mes cheveux, jouant rapidement avec une mèche de longueur moyenne et le suppliai inconsciemment du regard.

«Ça me va.»

J’affichai un gigantesque sourire, sincèrement heureuse de trouver quelqu’un pour répondre à mes questions.

Et puis il avait l’air gentil. Même si avec la pénombre j’avais aussi du mal à voir quel type de créature c’était. Enfin, s’il avait voulu m’attaquer il l’aurait fait plus tôt je crois.

«Mais... J'aimerais bien savoir...»

- Oui ?

«C'est pour quelle genre d'étude exactement? Je n'ai jamais entendu parler d'un truc pareil...»

Je répondis aussitôt, sans chercher à cacher quoi que ce soit. Après tout, pourquoi mentir ?

- Oh, c’est pour moi ces recherches. J’étudie la mort et tout ce qui la touche depuis plusieurs années, mais comme je n’ai pas accès aux chiffres officiels je dois récolter toutes les données moi-même. Je penchai la tête sur le côté et ajoutai en souriant : mais j’aime bien discuter avec les gens, même s’il n’y en a pas beaucoup qui acceptent.

Je tournai les pages de mon carnet et demandai :

- Vous êtes prêt ? Au fait, quel est votre nom ? Et votre race ?

J'avais vu juste. J'avais à peine entrevue ce large sourire qui était né sur ses lèvres alors que j'avais accepté, mais il avait été bel et bien présent. Je souriais donc moi-même, les mains toujours fourrées dans les poches tout en l'écoutant sagement me répondre. De nouveau, j'étais surpris et je haussais les sourcils.

«Sérieusement? Ah... Ca fait un paquet de données à récolter...»

Je levais les yeux au ciel et réfléchissais silencieusement à ce qu'elle venait de dire. Même si l'on aimait discuter avec les gens, il fallait un sacré courage pour se lancer dans de telles recherches. En même temps, j'éprouvais une certaine compassion pour cette fille à qui personne ne souhaitait parler, et je comprenais également que des gens puissent ne pas vouloir répondre à des questions qui pourraient toucher à une personne qu'ils viendraient de perdre, ou même qu'ils auraient pu perdre il y a des années. Après tout, si l'on venait voir la tombe de quelqu'un, c'était parce que l'on tenait à cette personne... Et si l'on avait perdu quelqu'un que l'on appréciait... Généralement, ce genre de blessures ne se refermaient jamais entièrement. Ahlala... Quelle idée aussi de faire des études sur un tel sujet!

Je la regardais faire, un petit sourire accroché aux lèvres. C'était sordide comme idée mais... En même temps, si c'était sa passion à elle...

Mon sourire disparut néanmoins alors qu'elle me demandait mon nom et ma race. Surpris, je restais silencieux un moment avant de finalement me mettre un peu plus clairement dans la lumière du jour.

«Ah...! Je m'appelle Isei, et... Je fais partis des démons!»

Même si je venais de dire ça en passant une main sur ma nuque, signe que j'hésitais à révéler ma vrai nature, j'avais l'impression d'avoir mis bien trop d'enthousiasme dans mes derniers mots. Je reprenais aussitôt:

«Mais...! J'suis dans le bon camp, hein! J'veux dire, je fais pas partis de ceux qui ont déclenchés la guerre! J'suis pas véritablement un démon, enfin, je ne suis pas né démon, enfin, disons que... Enfin, c'est une histoire un peu compliqué...!»

Plus je parlais et plus je m'emmêlais les pinceaux. Arg, bon sang! Je n'aurais jamais cru que s'expliquer pouvait être aussi compliqué! J'espérais malgré tout m'être fait comprendre. Bien des gens étaient hostiles envers les démons, et par conséquent, j'avais un peu peur de sa réaction.

«Ah...! Je m'appelle Isei, et... Je fais partis des démons!»

Je notai consciencieusement ces informations et relevai le nez de mon carnet lorsqu’il se reprit.

«Mais...! J'suis dans le bon camp, hein! J'veux dire, je fais pas partis de ceux qui ont déclenchés la guerre! J'suis pas véritablement un démon, enfin, je ne suis pas né démon, enfin, disons que... Enfin, c'est une histoire un peu compliqué...!»

Il avait l’air gêné.

C’est vrai que les démons étaient responsables d’un certain nombre de morts sur Terre. Mais c’était sans compter ceux que faisaient les autres races. Et puis je préférais garder un point de vue neutre, scientifique, sur les choses

Haussant les épaules, je le rassurai d’une voix douce :

- J’essaye de n’avoir aucun préjugé sur les gens. Et puis, si on devait établir un classement de ce qui tue le plus, du moins, sur Terre, je positionnerais la maladie en premier, puis la vieillesse, puis le suicide, puis les accidents de la route, puis les accidents tout court etc.. Les démons ne sont pas spécialement hauts dans ce classement. Et je suis sûre que votre histoire n’est pas si compliquée que ça si on écoute attentivement.

Mon regard se baissa sur la tombe où je lu le nom inscrit que je notai.

Il ne fallait surtout pas que je me détourne de mon étude ! C’était si rare qu’on veuille bien me répondre !

- Pour en revenir à mon étude, à quel point étiez-vous proche avec la défunte? Comment est-elle morte ? Et à tout hasard, sauriez-vous comment elle envisageait sa mort de son vivant ?

Les yeux levés vers le ciel et passant une main sur ma nuque, je laissais échapper un rire gêné tout en la regardant du coin de l’œil. Allait-elle s'enfuir, comme bien des gens face aux démons? Ou allait-elle s'évanouir comme tant d'autres? Rien de tout cela, bien au contraire. La voilà qui haussait les épaules pour aussitôt me rassurer quant à son opinion sur les démons. Reportant donc mon attention sur elle, je haussais lentement les sourcils.

Et bien... Je devais avouer que c'était une réaction à laquelle je ne m'attendais pas. Entre ceux qui croyaient que nous étions pires que des bêtes assoiffées de sang, et ceux, je crois qu'on appelait ça les «satanistes», qui pensaient que nous étions des Dieux, je m'étais attendu à tout, sauf à cela. Enfin, il fallait dire, qu'après tout, elle faisait des études sur la mort... Même si elle n'avait nullement l'allure d'une «sataniste». Surpris donc, mais pas moins content, je laissais un discret sourire étirer mes lèvres alors que de nouveau mes mains s'enfonçaient dans mes poches.

Je l'écoutais et réfléchissais en même temps. Toutes ces questions... A vrai dire, je n'en avais aucune idée. Mais en même temps...

«Hum... Et bien, nous n'étions pas véritablement proche. On se voyait très peu souvent, en fait..»

Je grimaçais. Même si il était vrai qu'à l'époque je n'avais rien ressentis à son enterrement, peu de temps après, j'avais appris qu'elle et moi avions bien plus de point en commun que je ne l'aurais imaginé. Et ce n'était qu'à ce moment là qu'un léger regret s'était insinué en moi. Je reprenais:

«Elle avait quinze ans. Sa mère l'emmenait en ville pour faire le tour d'un nouveau centre commercial qui venait d'ouvrir à ce moment là, et sur la route, elles ont eu un accident de voiture. Sa mère a été miraculeusement épargné, elle n'avait que quelques égratignures et une ou deux fractures. Mais Judy était morte sur le coup.»

Je restais un bref moment silencieux, afin qu'elle puisse prendre en note ce que je venais de lui dire. Quand je vis qu'elle avait terminé, je répondis à sa dernière question:

«Judy, d'après ce qu'on m'en a dit, avait une incroyable joie de vivre... On peut dire qu'elle croquait la vie à pleine dent.» -Je haussais les épaules- «C'est pour ça que je ne pense pas qu'elle ait déjà pensé à la façon par laquelle elle finirait par mourir. Et puis, avant, et à quinze ans, on ne pense normalement pas à la mort...»

«Hum... Et bien, nous n'étions pas véritablement proche. On se voyait très peu souvent, en fait..»

Ah, c’était problématique… Il ne pourrait sans doute pas répondre aux autres questions alors !

Mais dans ce cas, là, pourquoi était-il venu se recueillir sur sa tombe en pleine nuit ? Se sentait il coupable ou quelque chose comme ça ?

«Elle avait quinze ans. Sa mère l'emmenait en ville pour faire le tour d'un nouveau centre commercial qui venait d'ouvrir à ce moment là, et sur la route, elles ont eu un accident de voiture. Sa mère a été miraculeusement épargné, elle n'avait que quelques égratignures et une ou deux fractures. Mais Judy était morte sur le coup.»

Je prenais des notes sans broncher, mais ne pus cacher mon expression surprise. Je m’attendais à une mort sur le champ de bataille, quelque chose dans ce genre, mais finalement… Comme quoi, malgré cette guerre, il ne fallait pas oublier qu’il y avait mille et une façons de mourir.

«Judy, d'après ce qu'on m'en a dit, avait une incroyable joie de vivre... On peut dire qu'elle croquait la vie à pleine dent. C'est pour ça que je ne pense pas qu'elle ait déjà pensé à la façon par laquelle elle finirait par mourir. Et puis, avant, et à quinze ans, on ne pense normalement pas à la mort...»

Hum… mouiii… Disons que c’est à peu près à cet âge-là que je suis partie faire mon étude…
Je grimaçai, me mordillant la lèvre pour ne pas le contredire.

C’était une donnée supplémentaire.

- Eh bien… Merci beaucoup. Vraiment. Conclus-je avec un grand sourire ravi après avoir relu rapidement mes notes. Je ne sais vraiment pas comment vous remercier…

J’hésitai, me rendant compte que j’avais oublié de le questionner sur lui-même.

- Oh, j’oubliais… Puis je vous poser une dernière question ? Je comprendrais que vous ne vouliez pas, c’est plutôt personnel, mais, comment envisagez-vous votre propre mort ?

Je me repris aussitôt, me rappelant la réaction choqué qu’une grosse dame avait eu en l’entendant.

- Ce n’est pas du tout une menace ! Je me demande juste si ce genre de réflexion change après avoir vécu une guerre, c’est tout. Moi-même je me suis déjà posé cette question, même si idéalement je souhaiterais mourir vieille et de façon totalement naturelle et qu’il n’y a que 5% de chances que cela m’arrive en 482 ans. Je m’arrêtai, me rendant compte que je m’étais un peu trop étendue dans ma justification. Désolée, je parle un peu trop.

Qui aurait cru qu'un jour je me retrouvais au cimetière, en plein milieu de la nuit, à répondre à des questions sur ma cousine morte et qui, soit dit en passant, avait une tombe à Edora alors qu'elle n'y avait jamais mis les pieds, du moins à ma connaissance? Et bien... Si on me l'avait dit, je crois que je n'y aurais pas cru moi-même. Et pourtant...

J'observais tranquillement du coin de l’œil celle qui m'interrogeait alors que je venais de terminer de répondre à ses questions. Un léger sourire en coin étirait mes lèvres, que je voulais rassurant. Même si elle avait assuré ne pas avoir de préjugés sur ma race, je préférais me montrer calme et souriant que laisser le naturel revenir au galop. Après tout, on ne savait jamais. Malgré moi, je venais de laisser échapper une phrase qui, probablement, pourrait blesser celle que j'avais en face de moi. A quinze ans, on ne pense normalement pas à la mort? Je devinais que cela avait pourtant été son cas à sa grimace.

Je me léchais brièvement la lèvre inférieur, prêt à prendre la parole pour tenter de me rattraper, lorsqu'elle se mit à parler. Comment me remercier? Alors que je n'avais fait que répondre à quelques questions? Levant les yeux au ciel discrètement, je haussais les épaules.

«Pas besoin de me remercier pour ça...» lui dis-je en lui souriant de nouveau.

Puis une autre question vint. Là, j'écarquillais les yeux et me crispais aussitôt en faisant mine de réfléchir. La première image que j'eus dans la tête fut bien trop atroce pour que j'en parle. Et la seconde... Même si je me faisais toujours tuer par la même personne, celle qui pourchassait Reiji actuellement, et peut-être moi-même, elle était un peu plus tolérable que la première. Je faillis lâcher un rire gêné alors qu'elle m'assurait que ce n'était pas une menace, cherchant à m'expliquer le pourquoi du comment, et m'arrêter aussitôt en entendant la fin de son explication.

Q... Quatre cent quatre vingt deux ans? C'est bien ce qu'elle venait de dire? Les yeux rond comme des soucoupes, je l'observais du coin de l’œil en révisant aussitôt mon jugement sur elle. Oh non pas que je la trouvais moins sympathique, loin de là, et pas du tout étrange, hein, rien de tout ça! Mais j'avais d'abord cru avoir face à moi une simple être humaine. Mais maintenant que j'y pensais correctement, il était vrai que les gardiennes ne les laissaient pas arriver jusqu'ici. Quatre cent quatre vingt deux ans... Et ben! Elle n'avait pas l'allure d'un Erian ou d'un Elfe, et encore moins celle d'un Cyborg ou d'un Thériantrope. Alors quoi? Je ne pensais avoir face à moi un démon, du moins n'aurait-elle pas réagit de cette façon quand je lui avais avouer en être un, et je ne pensais pas qu'un ange puisse être passionné par la mort... Hum...

«C'est plutôt long, quatre cent quatre vingt deux ans...» -J'acquiesçais silencieusement à mes propos, les mains toujours dans les poches puis me penchais légèrement vers elle.- «Je ne voudrais pas être in discret, mais... Vous faites partie de quelle race au fait?»

Je me reprenais aussitôt, me rappelant que c'était elle qui posait les questions et que je n'avais toujours pas répondu à la dernière.

«Ah, désolé! Z'êtes pas obligé de répondre, hein! C'est par simple curiosité...»

Je me redressais un peu et réfléchissais l'espace de quelques secondes.

«Comment j'envisage ma propre mort? Hum... L'idéal serait vraiment de mourir de vieillesse après avoir vécu une vie heureuse... Mais... Je ne pense pas que ça se déroulera de cette façon!»

Laissant un petit rire m'échapper, je passais une main sur ma nuque. Non, en effet, j'étais presque certains que ça ne se finirait pas de cette façon pour moi.

Lorsqu’il fit remarquer la longueur de ce qu’il me restait à vivre et me demanda ma race, je compris une chose : il croyait que c’était mon âge actuel !

Moi ? Plus de quatre cent ans ? AH AH AH AH AH !!

Alors que j’ouvrais la bouche pour répondre, il fut plus rapide et se repris.


«Ah, désolé! Z'êtes pas obligé de répondre, hein! C'est par simple curiosité...»

J’allais de nouveau répondre, mais il le fit avant moi, encore une fois.

«Comment j'envisage ma propre mort? Hum... L'idéal serait vraiment de mourir de vieillesse après avoir vécu une vie heureuse... Mais... Je ne pense pas que ça se déroulera de cette façon!»

J’attendis quelques secondes. C’était bon ? Rien à ajouter ? Je ne voulais pas lui couper la parole, et puis sa réponse était intéressante. Réaliste.

Je haussai les épaules.

- Rares sont les gens qui meurent de vieillesse. Surtout quand on peut vivre aussi longtemps. J’esquissai un petit sourire. Et au fait, je suis une sorcière. 482 ans est le nombre d’années qu’il me reste à vivre, techniquement. Je ne suis pas très vieille à vrai dire…

Un craquement me fit sursauter et je scrutai les alentours. Il faisait trop sombre pour que je puisse apercevoir quoi que ce soit et je n’avais pas encore mené de recherches approfondies sur les créatures de cette planète.

Je proposai avec une petite voix :

- Il vaudrait peut être mieux rejoindre la ville… Ce serait plus sûr. Je ne sais pas ce qui peut rôder ici et nous venons d’émettre le souhait de mourir de vieillesse…

Ce serait vraiment bête de se faire attaquer, là maintenant !

Le tintement de mes bracelets lorsqu’il me prit le poignet me fit de nouveau sursauter. Je n’avais aucune idée de ce qui pouvait bien se cacher dans l’ombre et je savais que je n’étais pas assez forte pour me défendre. Pas assez forte ? En fait j’étais carrément nulle en magie.

Mais je courrais plutôt vite ! Ce qui était un bon point, non ? Et puis j’avais un démon à côté de moi !

Un grésillement se fit entendre et j’en cherchai l’origine sans la trouver. Quelle créature nous guettait au juste ?

«On devrait s'en aller...»

Hochant frénétiquement la tête, je le laissai continuer.

«Je vous raccompagne jusqu'à chez vous, on ne sait jamais...»

- Merci, c’est gentil.

Il me lâcha le poignet, provoquant un nouveau tintement lorsque mes bracelets retombèrent à leur place initiale.

«Allons-y, montrez moi le chemin.»

Empruntant l’allée principale, je pressai le pas jusqu’à la sortie.

Une fois de nouveau dans la ville, je soufflai de soulagement. C'est dingue comme les lumières, même émanant d'un simple lampadaire pouvaient rassurer !

A partir de là, rentrer chez moi se fit plus sereinement. La créature ne devait pas nous avoir suivi. Enfin, j'espère.

[Rp terminé!]