Retour du cimetière

Isei me raccompagna jusque devant mon immeuble et, alors que je m’attendais à ce qu’il monte les étages avec moi, il s’arrêta et dit :

«Et bien voilà! Je vais vous laisser rentrer tranquillement chez vous, maintenant. Il est déjà tard, je vais moi-même rentrer...»

Ah…

Je me dandinais légèrement d’un pied à l’autre, hésitant.

- Oh, du coup vous ne pouvez même pas rester un peu pour boire un café ou un thé ?

C’est vrai qu’il se faisait tard, mais il s’était montré plutôt gentil avec moi et je voulais le remercier d’avoir répondu à mes questions.

Je checkais mentalement mon appartement. Il y avait pas mal de livres partout, des notes et des journaux, mais pas de vêtements en boule dans les pièces principales, ni de monticule de vaisselle débordant de l’évier. J’avais aéré le matin et tout était plutôt propre. Je pouvais donc recevoir quelqu’un.

Même si je n’avais pas spécialement prévu cette éventualité.

En fait, à part mon étude, je n’avais pas prévu grand-chose. Je n’avais acheté aucun meuble à part ceux nécessaires au rangement primordial et c’est à peine si j’avais tout sorti des cartons. Un bureau dans un coin pour travailler me suffisait amplement.

Je croisais les mains dans mon dos, attendant la réponse d’Isei.

Un large sourire s’étira sur mes lèvres lorsqu’il accepta et je fouillai dans mon sac à dos pour en extirper mes clefs auxquelles j’avais accroché un gros grelot et un ruban rouge.

- J’ai de quoi tenir des mois avec la réserve que j’ai, et on peut se tutoyer si ça ne te dérange pas.

Je n’avais rien contre le tutoiement, et moi-même je trouvais bizarre qu’on me vouvoie. J’étais pas très vieille et je n’avais pas de statut qui induisait un certain respect. Le vouvoiement était donc peu indiqué dans mon cas.

Gravissant les escaliers, je cherchai plus profondément dans ma mémoire s’il n’y avait vraiment rien qui pourrait être gênant dans mon appartement, histoire de vérifier je n’avais rien oublié, même si c’était rarement le cas.

Non. Vraiment rien. C’était rassurant.

Une fois devant mon appartement, je déverrouillai la porte et laissai Isei passer devant pour refermer derrière nous.

L’absence de décoration, de meubles et la présence de quelques cartons pouvait laisser croire que j’avais emménagé la veille, mais mon bureau était assez chargé pour rétablir la vérité. Je ne voyais pas vraiment l’intérêt de faire un quelconque effort chez moi en dehors du ménage (je tiens à rappeler que malgré la baisse des chiffres ces dernières années, il y a toujours quelques morts par infection suite à une hygiène douteuse !). J’avais de quoi travailler, c’était tout ce qu’il me fallait.

N’ayant pas de canapé, je ne pouvais qu’emmener Isei dans la cuisine.

- Installe toi, fais comme chez toi. Proposais-je en sortant deux tasses que je posai à côté de la cafetière.

Oui, on faisait plus évolué de nos jours côté machine à café, mais j’étais adepte des nuits blanches rythmées par les litres de cafés que j’ingurgitais.

Le café peut augmenter les risques d’accidents cardiovasculaires s’il est surconsommé, mais surtout si la personne qui consomme du café est fumeuse, en surpoids, souffre de cholestérol ou d’hypertension, ce qui constitue des facteurs de risque.

Une fois préparé et versé dans chaque tasse, j’en posai une en face d’Isei, sortis deux cuillères et demandai :

- Du sucre ?

L’hypoglycémie augmente le taux de mortalité de 3,4%

Je chassai ces données de ma tête et m’assis en face de lui après avoir mis deux sucres dans ma tasse.

- Tout à l'heure j'ai été plutôt surprise quand tu t'es justifié sur ta race, alors du coup je me demandais: comment les gens réagissent en général ?

En voyant un large sourire étirer ses lèvres alors que je venais d'accepter, je ne pu m'empêcher de sourire à mon tour. Même si elle était passionné par la mort et menait une étude sr ce sujet, elle était tout de même vachement sympa. Et puis, ce n'était pas tous les jours qu'on m'offrait de venir boire un café. Il me semblait même que c'était la première fois depuis que j'étais sur Edora. Un petit sourire en coin éclairait donc mon visage tandis que j'acquiesçais à ses paroles. Silencieux, je la suivais sagement jusqu'à son appartement, grimpant les escaliers à sa suite. Une fois arrivé en haut et la porte ouverte, elle me fit signe de passer devant, ce que je fis aussitôt.

Mon regard fit alors le tour de la pièce. L'endroit semblait bien peu décoré et... A vrai dire, il n'y avait pas de décoration. Mais, vraiment pas. Enfin, pas de ce que j'en voyais. Tout comme la décoration, les meubles brillaient de par leurs absences. En fait, il n'y avait pas grand chose dans cet appartement. Mis à part ce bureau qui me semblait chargé...

Je suivis Autumn jusqu'à sa cuisine où la aussi il me semblait n'y avoir que le strict nécessaire. J'acquiesçais une nouvelle fois à ses mots et attrapais une chaise sur laquelle je me laissais tomber. Retirant ma veste, je la posais sagement sur le dos de la chaise ou je venais de m'installer.

Mon regard tomba alors sur la machine à café et un autre sourire étira mes lèvres. Ah! Bon sang! La bonne vieille machine à café! J'étais heureux de savoir que je pourrais boire un bon café et non pas un de ceux que ces nouvelles satanés machines faisaient, savez, ces machines où il vous suffit de mettre une capsule ou je ne sais quoi d'autre? Le résultat n'était souvent pas terrible, ou bien c'était répugnant, ou bien c'était... infecte. Imbuvable. Les trois quart du temps, leur café avait bien trop le goût d'eau.

A la question d'Autumn, je hochais de la tête, les mains sagement posés sur mes jambes.

«Oui, deux, s'il te plait...» lui dis-je avec un sourire en la voyant faire de même.

Une fois les deux fameux sucres plongés dans mon café, j'attrapais la tasse et mélangeais lentement en fixant son contenu. Je relevais la tête en l'entendant.

«Ah...! Hum, comment dire...?»

Je réfléchissais quelques brèves secondes avant de reprendre.

«Disons que, comme ce sont les démons qui ont déclenchés la guerre de dix ans, les gens leur sont un peu hostiles. Ils ont même tendance à oublier parfois que certains d'entre nous les ont aidés durant la guerre. J'y étais moi aussi, et je me souviens qu'il fallait ré-expliquer à chaque fois que l'on rencontrait quelqu'un que l'on était dans le bon camp...!»

Je laissais un léger rire m'échapper et haussais finalement les épaules. On ne pouvait pas en vouloir aux gens, ils ne voulaient tout simplement pas qu'un tel événement se répète et pour cela, il restait méfiant envers les démons. Ce qui était tout à fait compréhensible.

«Je me souviens, quand j'ai commencé à travailler en tant que serveur, un garou que je venais de servir a sentis sur moi l'odeur des démons. C'est limite si il ne sait pas rué sur moi pour tenter de m'étrangler...» Je grimaçais. «Heureusement qu'un collègue est intervenu, j'y serais probablement passé, sinon...! Quand on l'a interrogé sur le pourquoi du comment, il a dit qu'en sentant mon odeur, des souvenirs lui été revenus en mémoire et qu'il n'avait pas su se contrôler...»

J'amenais ma tasse à mes lèvres pour en boire une gorgée. Je n'avais jamais raconté cet événement à Reiji, sous peine de le voir débarquer à mon travail.

«Généralement, c'est ça, ou alors ils s'enfuient... Ça arrive aussi.»

Je l’écoutais silencieusement en remuant mon café. C’était vraiment désolant de constater les ravages qu’une guerre pouvait faire. Désolant et en même temps fascinant. Je ne pouvais m’empêcher de m’y intéresser en tant que scientifique.

Comment ce genre de traumatisme pouvait se créer ? Etait-ce la peur ? La peur de mourir ? La peur d’autre chose ?

- Les gens ont tous l’air méfiant ici. Avouais-je. Je ne pensais pas avoir autant de mal à récolter des chiffres et des témoignages, mais j’ai vraiment l’impression de les terrifier des fois. C’est vraiment étrange.

Buvant une gorgée de café, je manquai de me brûler et grimaçai en avalant.

On estime que 195 000 décès par an sont provoqués par des brûlures – dont la grande majorité dans les pays à revenu faible ou moyen.

- J’ai vraiment été surprise quand le couple de thériantropes d’à côté m’ont claqué la porte au nez.

Je fronçais les sourcils et entourai ma tasse de mes mains pour les réchauffer.

- Est-ce que tu as participé à cette guerre ? Elle était si terrible que ça ?

Spoiler:

Isei m’expliqua que la plupart des gens avaient peur de mourir. C’était une chose que je comprenais difficilement étant donné que c’était un passage obligatoire. Par contre, il était impossible de savoir ce qu’il se passait après. Alors était-ce réellement de la mort qu’ils avaient peur, ou de l’inconnu ?

Moi-même je n’étais pas pressée de mourir, mais je savais que j’y passerais un jour. C’était inévitable, et je m’y étais résignée. La seule chose dont j’avais peur, c’était de disparaitre totalement après. Pffiout ! Comme ça !

Je me rassurais en répétant de temps à autre la loi de Lavoisier « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. », et le fait de chercher pourquoi j’avais survécu étant petite me donnait l’espoir infime que j’avais peut être un rôle à jouer avant de mourir. Que mon heure était programmée dans très très très longtemps.


«Ben tu sais... Pour tout te dire, je suis arrivée en plein milieu de cette guerre. Enfin, disons qu'elle couvait déjà quand je suis débarqué ici. Heureusement que j'ai très rapidement été trouvé par quelqu'un... Je serais probablement mort, sinon. Ou plongé dans la folie meurtrière de mon démon.»

La folie meurtrière. Quelle sensation pouvait-on avoir en tuant ? Pourquoi tuer alors qu’on allait forcément mourir ?

«J'ai un peu été poussé à participer à cette guerre. C'était soit ça, combattre dans le bon camp, soit me faire massacrer par le bon camp parce que j'étais un démon. J'ai préféré y mettre mon grain de sel.»

Oh, alors Isei avait tué.

C’était étrange quand on le voyait comme ça. Il avait l’air plutôt gentil et inoffensif.


«C'était évidemment la première guerre à laquelle je participais, mais c'était bien plus violent que tout ce que j'aurais pu imaginer. Plus violent, et plus dur, aussi bien physiquement que mentalement. Il faut savoir donner le meilleur de soit pour se défendre, et défendre les autres, et une seule seconde d’inattention peut-être fatale. J'ai bien faillis y passer à plusieurs reprises, mais je suis encore là aujourd'hui, et j'espère bien rester en vie le plus longtemps possible.»

Je bu une nouvelle gorgée, songeuse.

- Je n’aurais pas survécu un jour à cette guerre. Commentais-je finalement. Je suis nulle en magie et pas très forte physiquement et je ne pense pas avoir autant de force de caractère.

J’agrémentai mon aveu d’un petit sourire et continuai :

- Mais qu’est-ce que ça fait de tuer ? Que ressent-on ? Je n’ai jamais réussi à interroger ce genre de personne et je serais totalement incapable de mener cette expérience par moi-même. J'ai beau étudier la mort, je considère la vie comme étant extrêmement importante quand même.

Je restais silencieuse tandis qu’il me décrivait son ressenti quant à l’acte de tuer. J’enregistrais le moindre syllabe, la moindre intonation, le moindre frisson, et rangeai le tout dans une catégorie bien précise de ma mémoire, comme s’il s’agissait d’un fichier vidéo sur un ordinateur.


«Je suis bien content que tu n'ai pas eu à participer à cette guerre! Malgré ta passion pour la mort, je ne suis pas sûr que tes yeux auraient supporter un tel carnage.»

J’avais déjà vu des cadavres. En cours. J’en avais autopsié assez pour pouvoir en mener une toute seule dans les règles. Oh, évidemment, j’avais retenu tous les gestes dès le premier jour, mais même quand on a une mémoire infaillible comme la mienne, la pratique nécessite toujours un peu d’entrainement.

Enfin, toujours est-il que tous les morts que j'avais vu jusque là se trouvaient dans une morgue, dans cette ambiance un peu hors du temps qui retirait tout leur contexte aux cadavres.

Qui sait comment j'aurais réagit sur un champ de bataille. Le démon avait peut être raison.
D'ailleurs il se reprit.

«Je ne dis pas ça parce que je te pense faible, hein! Loin de là! Mais je dis simplement que je ne souhaite de voir cela à personne.»

- Je ne le prends pas mal, t’inquiète pas. Finissant ma tasse de café, j’ajoutais. Ca a vraiment dû être dur pour toi. J’espère que ça va beaucoup mieux maintenant.

Je me levai pour m’en resservir une tasse, plus par habitude que par envie.

Il faudrait que j’achète des tasses plus grosses pour avoir ma dose journalière. Ou des bols.
J’en proposai poliment à Isei et demandai :

- Et après tout ce qu’il s’est passé pendant toutes ces années, c’est pas trop dur de s’intégrer ?

«Ben... A vrai dire, à part l'université, et le boulot, je ne sors pas tant que ça, les devoirs donnés sont bien souvent trop nombreux à mon goût et le peu de temps qu'il me reste, je le passe généralement en compagnie de mon colocataire que je ne vois malheureusement pas tous les jours à cause de son travail.»

Je posai son café devant lui et m’assis de nouveau en face.

- L’université ? Tu es dans quelle filière ?

Je n’avais jamais vraiment pensé à m’y inscrire. Mon domaine d’étude n’y existait pas et il aurait fallu que je suive plusieurs cursus. Ce n’est pas la quantité de travail que cela demandait qui m’aurait dérangée, mais plutôt mon incapacité à être à deux endroits en même temps.

«Je n'ai pas vraiment d'amis à vrai dire, et à l'université, je me fais même souvent charrier à cause de ma race. Quant au boulot, je remercie presque tous les jours le patron de m'avoir accepté!»

J’avalai une gorgée de café et posai mon coude sur la table pour appuyer mon menton au creux de ma main.

- Tu travailles où ?

Me rendant compte que je posais beaucoup de questions depuis tout à l’heure, je me redressai, gênée et le laissai continuer.

«Et au final, je ne suis pas mécontent, du moins pour l'instant, de vivre comme ça. Même si je serais ravis de me faire des amis, je ne dirais pas non plus que ce soit une nécessité...»

- Moi je n’ai rien contre le fait de me faire des amis. Commentais-je en souriant. Je voyageais beaucoup, alors j’ai rencontré tout un tas de personnes qui m’hébergeaient les trois-quarts du temps. C’est plutôt bizarre de me retrouver toute seule. Pas désagréable, mais bizarre. Mon sourire s’élargit. Alors si un jour tu as envie de passer, n’hésite pas ! Je travaille à la bibliothèque mais le reste du temps je ne sors pas beaucoup.

Je rajoutais, après une demi-seconde de réflexion :

- Tu peux même ramener ton colocataire, si tu veux.

J’avais noté le « malheureusement » dans sa phrase de tout à l’heure, et en avait déduit qu’il appréciait beaucoup cette personne. Peut-être que l’inviter quelque part lui permettrait de passer un peu plus de temps avec.

Je n'avais même pas eu le temps de terminer de parler, que des tas de questions se mirent à fuser. Je souriais, un peu gêné en même temps qu'elle semble si intéressé par tout ça. En même temps, ça ne me dérangeait pas plus que ça d'en parler, juste, il était déjà tard et je ne voulais en aucun cas la déranger. Déjà qu'elle m'avait gentiment invité à entrer pour boire un café... Il ne fallait pas non plus abuser de sa sympathie.

Alors que j'avais enfin terminé, elle reprit la parole, et à mon tour, je l'écoutais bien sagement sans rien dire. Un petit sourire aux coins des lèvres, j'attrapais ma tasse de café que je faisais lentement tourner entre mes doigts. C'était un tic que j'avais, une sale habitude qui reprenait bien souvent le dessus sans que je ne m'en rende vraiment compte. Je faisais souvent ce genre de chose alors que j'étudiais, à moitié plongé dans mes livres, et une boisson, fraîche ou chaude, dans les mains. C'était souvent ce qui se passait quand je réfléchissais, ou que j'étais seul, assis dans le canapé, attendre le retour de Reiji parfois.

Mon regard s'arrêta un moment sur elle, alors qu'elle disait que si je le voulais, je pourrais passer la voir de temps à autre. Un peu gêné, après tout, c'était bien la première fois, j'acquiesçais et baissais les yeux sur la table, murmurant un remerciement, y ajoutant «Je n'hésiterais pas.» avant qu'elle reprenne la parole. Cette fois, je restais figé, me demandant un instant si cette idée était bonne. A vrai dire, elle était loin de l'être. Mon colocataire avait les sorcier en horreur, et si j'avais bons souvenirs, elle m'avait avouer en faire partie. Il était donc hors de question que je vienne jusqu'ici en compagnie de Reiji. Et encore moins que je ne lui dise que je voyais l'une d'entre eux. Je me redressais alors, et soupirais tout en passant une main sur ma nuque.

«Euh, et bien... Malheureusement, je ne pense pas que ce sera possible, il, euh...»

Je relevais les yeux vers elle, et hésitais l'espace de quelques secondes.

«Il ne sort pas vraiment non plus, tu vois, et son travail lui prend énormément de temps... C'est bien pour ça, d'ailleurs, que je ne le vois pas très souvent...»

Je riais un peu, puis soupirais de nouveau avant d'attraper ma tasse de café et de l'amener à mes lèvres. Je soufflais un peu sur le liquide encore brûlant et en buvais finalement une bonne gorgée. En reposant la tasse, je souriais légèrement.

«Quant à ce que tu demandais tout à l'heure... J'étudie le droit, j'aimerais plus tard pouvoir défendre ceux de ma race que l'on accuse à tord, et qui sont comme moi, différents des autres. Et je travaille quelques heures en tant que serveur 'Chez Roy', dire de ne pas tout laisser à charge à mon colocataire.»

Laissant mes mains retomber sur mes genoux, je venais m'appuyer contre le dossier de la chaise.

«Et toi alors? Tu bosse seulement à la bibliothèque? Je veux dire, tu ne fais pas d'étude en université?» Avec un petit sourire aux lèvres, j'ajoutais: «Je sais bien qu'il n'y a pas 'la mort' comme sujet d'étude, mais peut-être que quelque chose d'autre pourrait t'intéresser, non?»

Oh, son colocataire était vraiment trop occupé. Dommage.

Le pauvre, il ne me restait qu’à souhaiter que la situation s’arrange pour lui.

«Quant à ce que tu demandais tout à l'heure... J'étudie le droit, j'aimerais plus tard pouvoir défendre ceux de ma race que l'on accuse à tord, et qui sont comme moi, différents des autres. Et je travaille quelques heures en tant que serveur 'Chez Roy', dire de ne pas tout laisser à charge à mon colocataire.»

- Wow, c’est super cool comme objectif ! Commentais-je, enthousiaste. J’espère que tu réussiras tes études !

«Et toi alors? Tu bosse seulement à la bibliothèque? Je veux dire, tu ne fais pas d'étude en université? Je sais bien qu'il n'y a pas 'la mort' comme sujet d'étude, mais peut-être que quelque chose d'autre pourrait t'intéresser, non?»

C’était une question à laquelle je m’attendais, mais elle me surprit quand même. Je souris et répondis sans vraiment réfléchir.

- Je ne travaille qu’à la bibliothèque. Le souci avec le type d’étude que je fais, c’est que les domaines qu’elle englobe sont trop vastes, il me faudrait trouver un sort pour me dédoubler ou pire même. Et puis j’ai déjà un très bon niveau dans pas mal de domaines. J’ai actuellement le niveau d’un médecin légiste, d’un biochimiste, d’un croque-mort et d’un historien. Sur Terre. Ici, je ne connais pas encore assez les créatures qui y vivent pour opérer quoi que ce soit. Je penchai la tête sur le côté. J’ai repéré quelques livres à la bibliothèque, mais c’est vrai que ce serait une bonne idée de m’inscrire à l’université. Peut-être qu’il y a de quoi étudier les cultures étrangères pour mieux comprendre les gens ici. Pour l’aspect biologique, je pensais interroger un médecin qui s’y connaitrait et serait d’accord pour m’apprendre ce qu’il sait.

Songeant à ce que seraient mes journées à l’université, je regardai par la fenêtre.
On pouvait voir les étoiles…

- Oh mais il est super tard en fait ! Remarquais-je soudainement avant de me tourner vers Isei. Tu ne risques pas de te faire agresser, ou quelque chose comme ça sur le chemin ?

Évidemment, les chiffres s'affichèrent automatiquement dans ma tête.


Le nombre de morts violentes (homicide, suicide, accidents) varie beaucoup selon les pays et les époques (guerre, démantèlement de l’État ...) ; par exemple, en 2000, on enregistrait 221 morts violentes pour 100 000 habitants en Russie (soit 18 % des décès), 105 morts violentes pour 100 000 habitants en Colombie (24 % des décès), et seulement 33 morts violentes pour 100 000 habitants au Royaume-Uni (soit 3 % des décès)


Puis je me rendis compte qu’il pouvait le prendre comme une façon pas très discrète de le mettre à la porte.

- Je ne te mets pas dehors, hein, je viens juste de me rendre compte de l’heure, c’est tout.

Je me levai pour le raccompagner à la porte et souris quand il m’assura qu’il repasserait me voir.

- oh il n’y a pas de soucis ! Passe quand tu veux !

Je sautillai presque jusqu’à l’entrée et rajoutai :

- Et puis il y a des chances pour que je fasse un tour à l’université. Ça avait vraiment l’air intéressant !

Et puis je pourrais en apprendre plus sur ce monde, sur les gens, et revoir Isei de temps à autre. J’étais plutôt contente de l’avoir rencontré. Au moins je connaissais une personne en dehors du travail maintenant, et puisque je n’avais pas l’intention de déménager avant quelques temps, je pouvais me permettre de m’attacher aux gens.

Enfin, pas que je ne le faisais pas déjà avant, quand je voyageais tout le temps. Mais là au moins, je n’aurais pas à lui dire « au revoir » dans deux semaines !

Alors qu’il partait, je lui lançai un « rentre bien ! » et ne fermai la porte que lorsqu’il disparut de mon champ de vision.

Toujours souriante, je débarrassai les tasses dans l’évier et partis m’installer à mon bureau.
Au travail maintenant !

Prêt à partir, je lui souriais aimablement et me dirigeais vers la sortie. Voyant qu'elle se levait, sans doute pour me raccompagner, je l'attendais sagement pour voir si elle me suivait. Une fois assuré que c'était le cas, je m'arrêtais à l'entrée et me tournais vers elle. Faire sa connaissance, et pouvoir ainsi parler un peu avec elle, cela avait été un réel plaisir, vraiment. Je pouvais maintenant me vanter d'avoir une amie! En tout cas, ça changeait des moments que je passais seul devant la télé, à moitié plongé dans les bouquins au passage, et le tout en piochant dans l'assiette une bouchée de temps en temps. C'était nettement plus... sympa, et agréable.

A ses paroles, j'acquiesçais, un sourire aux lèvres, et ajoutais à mon tour:

«Dans ce cas, si tu viens à t' inscrire, ou même si tu ne fais que passer rapidement sur le campus, n'hésite pas à me prévenir! On pourra peut-être discuter un peu, pendant la pause déjeuner!»

Accentuant mes mots par un autre sourire et un clin d’œil, je me glissais en dehors de l'appartement, et me tournais une dernière fois vers elle pour lui faire un petit signe de la main et lui répondre.

«Merci, pour le café aussi!»

Une fois à l'extérieur, je me dirigeais vers la montagne en soupirant, les mains dans les poches. Bon sang...! Et dire que j'avais encore tout ce chemin à parcourir!

Il me fallut un peu plus de temps que prévu pour rentrer, et sur le chemin, je ne rencontrais personne. Enfin, si, y avait bien deux ou trois personnes qui traînaient, par ci par là, mais rien de bien effrayant, personne qui se serait jeté sur moi pour on ne sait quelles raisons. Je rentrais donc, et une fois à l'intérieur de l'abri, je me glissais bien au chaud sous les couettes.

{RP Achevé}